La solitude
" L'homme intelligent aspirera avant tout à fuir toute douleur,
toute tracasserie et à trouver le repos et les loisirs ;
il recherchera donc une vie tranquille, modeste,
abritée autant que possible contre les importuns ;
après avoir entretenu pendant quelques temps
des relations avec ce que l'on appelle les hommes,
il préférera une existence retirée, et , si c'est un esprit tout à fait supérieur,
il choisisra la solitude.
Car plus un homme possède en lui - même
moins il a besoin du monde extérieur
et moins les autres peuvent lui être utiles.
Aussi la supériorité de l'intelligence conduit-elle à l'insociabilité.
Ah ! si la qualité de la société pouvait être remplacée par la quantité,
cela vaudrait alors la peine de vivre même dans le grand monde ;
mais hélas ! cent fous mis en tas ne font pas encore un homme raisonnable.
On ne peut être vraiment soi qu'aussi longtemps qu'on est seul ;
qui n'aime donc pas la solitude n'aime pas la liberté,
car on n'est libre qu'étant seul.
Toute société a pour compagne inséparable la contrainte
et réclame des sacrifices qui coûtent d'autant plus cher
que la propre individualité est plus marquante.
Par conséquent, chacun fuira, supportera ou chérira la solitude
en proportion exacte de la valeur de son propre moi.
Car c'est là que le mesquin sent toute sa mesquinerie
et le grand esprit toute sa grandeur.
Bref ! chacun y pèse à sa vraie valeur... "
Arthur Schopenhauer.